Cette saison, dans le cadre d’un partenariat, la Pépinière produit des reportages sur les créations programmées au Théâtre Saint-Gervais afin de documenter les méthodes de travail des artistes.
Du 3 au 7 décembre, la Grèce investit le plateau de Saint-Gervais ! Après une première mise en scène en 2018, l’Athénienne Lena Kitsopoulou revient monter son texte Cry, accompagnée de la genevoise d’adoption Anna Lemonaki à la dramaturgie et au jeu. Un spectacle, en grec surtitré français, dans lequel l’excès de politesse peut mener à un accès de colère. Faut-il hurler ou pleurer ?
Cry a été monté en 2018 déjà par Lena Kitsopolou, assistée pour les aspects dramaturgiques par Anna Lemonaki. Entre pleur et cri – des deux traductions possibles du titre en anglais – il questionne le surgissement de la violence, depuis la politesse la plus banale. Le texte a pour l’occasion été complètement remanié, afin de coller au mieux à la réalité et aux conversations consensuelles qui ont passablement évolué ces deux dernières années. Anna Lemonaki nous annonce tout de suite la couleur : le texte de Lena est très oral, et donc d’une extrême difficulté à apprendre. Des propos corroborés par Pauline Huguet, danseuse de métier et qui apparaîtra également dans le spectacle : elle doit dire un monologue en français, alors que celui-ci est écrit en grec. Pas de panique pour autant : le spectacle, s’il sera majoritairement joué en grec, sera surtitré et sera parfaitement compréhensible pour un public non-hellénophone.
En assistant à l’une des premières répétitions, en simple observateur, on perçoit rapidement la façon de travailler de la troupe. Dans un premier temps, chacun·e s’entraîne dans son coin, répétant son texte à haute voix pour mieux l’appréhender. On pourrait penser à une italienne*, mais on entend déjà le ton que les comédien·ne·s veulent donner à leurs propos. Sur l’espace de jeu dédié aux répétitions, iels sont trois : Anna Lemonaki, Pauline Huguet et Nikos Karathanos. Et si l’on ne comprend pas ce qu’iels disent, barrière de la langue oblige, on se laisse porter par la musicalité de la langue, en se raccrochant aux quelques éléments que l’on comprend : quelques mots, des expressions et sons universels, ou encore la musique de Flashdance qui résonne et dont on saisira mieux l’influence une fois la première scène répétée… Durant ces premières minutes donc, on assiste à un patchwork de scènes et autres éléments techniques, sans véritablement de liens. Il s’agit de tester certaines choses, et l’on est surpris d’entendre un extrait de My Wayrésonner sur un piano. Ces premières bribes permettent à tou·te·s de se mettre dans l’ambiance du spectacle, de se remémorer le texte à prononcer et faire surgir la complicité.
Ainsi, à l’image du décor, les interactions entre les comédien·ne·s se mettent en place : le canapé rouge qui trône au milieu de la pièce est rapidement entouré d’un écran, de tables basses, de chaises et autres paravents. Dans le même temps, les dialogues sont de plus en plus nombreux et le travail que chacun·e effectuait dans son coin commence à faire sens. Les rires s’enchaînent et l’on sent l’excellente ambiance qui existe au sein du groupe. L’on entend alors le monologue de Pauline Huguet, en français, et l’on comprend un peu mieux le propos du spectacle : dans ce texte très oral, il s’agira de répéter des conversations consensuelles, avec une politesse qui frôle la démesure. Les effets comiques viseront à amener des questionnements, qu’ils soient rationnels ou plus émotionnels, auprès des spectateur·trice·s. Et très vite, on se reconnaît dans ces propos d’une banalité à toute épreuve.
Vient alors la répétition de la première scène. Et le mot « répétition » prend tout son sens : de très courts passages sont rejoués deux fois, trois fois, dix fois, pour un travail de précision, qui va véritablement dans le détail, tant au niveau des intentions, que de l’intonation ou même de la gestuelle. Et on se doute que tout cela va encore beaucoup évoluer jusqu’à la première du 3 décembre.
Pour vous donner un petit avant-goût de la première scène, sans spoiler – et parce qu’on n’a pas encore vu le décor, mis à part sur quelques photos – sachez qu’il y aura de nombreuses interactions avec le public, avec des explications sur de nombreux points. On notera la présence d’une laughing room et d’onomatopées universelles. On soulignera enfin qu’il est très intéressant de suivre une répétition sans comprendre un mot ou presque du texte. Privé de ce support sémantique, on se focalise dès lors sur le jeu, les intentions, les gestes, le ton de la voix, et même les silences, auxquels on n’aurait pas forcément fait attention dans un autre contexte. Et le jeu sur les émotions se révèle impressionnant à voir : la colère surgit, jusqu’à en devenir violente, mais le rire demeure également très présent. On se réjouit de découvrir la suite, à travers un second reportage, quelques jours avant la première !
* Une manière d’apprendre le texte qui consiste à enchaîner les répliques sans y mettre aucune intention.
Fabien Imhof
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