Trois questions à… Caroline Bernard

03 mai 2022

Comment est né ce projet ?

Le projet est né d’une rencontre, il y a six ans. Il y a six ans, je me retrouve dans un covoiturage parce que je vais voir mon cousin, qui est malade, à l’hôpital. Mon cousin avait 27 ans, il s’appelait Olivier. Et dans cette voiture, il y a le jeune Valerio, rappeur de Roumanie, qui a 27 ans aussi. Et on commence à discuter. Et là-dessus s’enclenche une rencontre assez dingue. Parce qu’on a passé énormément de temps ensemble et on a tout de suite commencé à écrire ensemble. Ensuite, ce qu’il s’est passé, c’est que pour traverser le deuil dans lequel j’étais, Valerio m’a accompagnée dans une sorte de processus créatif. Et à partir de là, j’ai aussi commencé à l’accompagner dans sa vie. Et quand les mois ont passé, lui a entamé une sorte de descente aux enfers suite à une rupture amoureuse. Et il a été diagnostiqué par toutes sortes de mots/maux de la santé mentale : schizophrénie, bipolarité, borderline, etc. Et à chaque fois que ces mots-là tombaient, moi je ne reconnaissais pas mon ami dans ces mots. Et c’est de là qu’est né le processus de travail, à savoir se rattacher à la poésie, à la création, aux mots, à la scène, à ce qui nous unissait, pour essayer de transcender ce qui avait été posé par les médecins.

Qu’est-ce qu’il se passe sur scène ?

Donc on a choisi de travailler au 7ème étage, dans la salle emblématique du Théâtre Saint-Gervais, parce qu’on voulait absolument être accompagnés du soleil qui se couche, et de cette vue sur Genève. Et donc, on est sur scène dans cette salle, avec un travail sur la lumière et la musique et le son, pour essayer de mener le spectateur dans quelque chose qui prend part à un grand tout, entre l’intérieur de la scène et l’extérieur au dehors. Parce que c’est l’histoire de grand tout, en fait, c’est l’histoire de vies qui sont au plateau. Il n’y a pas de comédiens, il n’y a que les gens qui vivent cette histoire : moi, mon ami, ou encore le psychologue qui accompagne le projet, mêlés au travail musical spécialement créé par la musicienne Joell Nicolas, alias Verveine. Et dans ces prises de parole, on essaie de travailler sur la plasticité de la vie et finalement sur notre ressenti, en s’accompagnant comme ça de l’extérieur.

Trois mots pour décrire le spectacle ?

Enquête, et quête. Impossible, et possible. Et guérison.

On a sous-titré le projet At The End You Will Love Me d’un sous-titre à parenthèses qui s’appelle Enquête sur l’impossible guérison. Avec des parenthèses à enquête pour « enquête » et « quête », et des parenthèses à impossible pour « impossible » et « possible ». Aujourd’hui, le projet se construit sur la question des voies alternatives aux mots des médecins, à la psychiatrie, et des voies alternatives à la vie normée, ou telle qu’elle est communément admise dans ces normes. Donc aujourd’hui ce sont des mots à tiroir que je retiendrais pour le projet, c’est-à-dire cette quête dans le soutien que j’ai pour mon ami, et cette enquête que j’ai faite sur les voies alternatives à la psychiatrie. Mais aussi sur la possibilité de guérir et l’impossibilité de guérir. Ça ouvre aussi cette question de la maladie ou de la non-maladie, puisque quand je rencontre mon ami, c’est moi-même qui suis pas bien et qui suis malade. Donc on est là pour renverser la question de la fatalité du diagnostic à travers les mots qui ont été posés.  

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