Le Souper – Note d’intention

21 septembre 2021

Dans Le Souper je vais utiliser ma propre peur de la mort et de la disparition pour en proposer un miroir aux spectateurs. Un questionnement sur comment peuvent se mouvoir les choses, même les plus douloureuses, à travers le temps, grâce à un pouvoir de transformation.
Mais quel est-il et comment y arriver ?

Je propose de partir du principe que l’âme existe et inviter sur scène l’esprit d’un être qui a réellement existé pour questionner les normes établies autour de la mort et des défunts. Mettre en scène notre rapport avec l’invisible, l’irrationnel, ce qui est absent mais auquel on se sent lié, donc totalement hors de notre maîtrise. Quel dialogue réussissons-nous à instaurer avec ce qui nous échappe, avec la fatalité, avec les parties vivantes et les parties mortes de nous-même ?

La philosophe Anne Dufourmantelle a écrit que le passé n’est pas fixe, il est mouvant : le présent ne modifie pas uniquement le futur, mais potentiellement aussi le passé… il est malléable.

J’ai le désir d’écrire une conversation très libre avec mon frère décédé, d’être en contact avec lui. Avec sa vie, sa force, et non sa mort. Toute manifestation de lui, toute sa présence ne m’a été transmise que par son absence.

Je propose de regarder pour une fois la mort comme une puissance d’activation du vivant, et dépasser la peur qu’elle nous procure. Proposer un autre regard sur ce qui est dit « mort », mais qui peut générer de la vie en nous. Lui redonner sa part. Inventer un dialogue pour dépasser la dualité, la binarié de nos modes de pensées.

DÉMARCHE

Dans mon travail, j’aime dénouer les fils de l’identité, pour en révéler les zones troubles, fragiles et poreuses. Je questionne avec bienveillance et humour notre aptitude à nous connaître, nous reconnaître et à nous méconnaître. De ma pratique de comédienne, dont le privilège est de pouvoir se glisser dans une autre enveloppe, est né le désir de me lancer dans une observation des rapports entre intérieur et extérieur du corps et la pousser le plus loin possible pour capter une chose plus essentielle : le souffle.

M’approcher de la question de l’essence et de ce qui meut chaque être, qui serait peut-être un moi profond, essentiel, au-delà des héritages culturels, sociaux, religieux. Ou autrement appelé l’âme.

Je cultive la vulnérabilité sur scène et j’aime le dévoilement au théâtre. J’utilise depuis longtemps le transformisme vocal et physique pour le mettre au service d’un décloisonnement du genre, ainsi que pour parler de la multiplicité de chacun, de la perméabilité des êtres entre eux, et de l’impermanence des choses. J’essaie de rendre visible les humanités, en orientant le regard du spectateur parfois sur des détails. J’aime impliquer le spectateur dans la construction de ces identités par le regard qu’il porte sur ces images. Dans mes pièces, j’aime faire voir des choses qu’on ne pourrait pas voir autrement et faire parler d’autres voix à travers la mienne.

Je procède par des auto-mise en scènes qui questionnent le rapport à la norme et l’idée d’identité. Les thématiques développées dans les pièces sont la représentation féminine, la dichotomie corps-esprit, le langage, la mort, et les forces invisibles. Dans un univers plastique je développe mon corps dans une idée performative de celui-ci, Butlerienne du terme. L’incarnation devient un événement et un espace de projection.

Le Souper s’appuie sur le travail développé depuis plusieurs années, en est la continuité. Une manière d’aller plus loin dans cette recherche formelle forte, en particulier sur la voix, le corps et le souffle. Il s’agit de réussir à parler d’une chose intime avec beaucoup de gens et que cela parle à tous. Une sublimation par un mélange de brutalité et d’extrême finesse.

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