L’Apocalypse- Note d’intention

05 avril 2023

Comment rêver un avenir meilleur à l’heure où certain·e·x·s croient assister au déclin de l’Humanité et aux derniers instants de la Vie sur terre ? On pratique le genre apocalyptique depuis plus de 2000 ans ; et encore plus régulièrement dans les moments de « crise ». Mais plutôt que de voir la crise comme une série de catastrophes à subir, les apocalypses la saisissent comme une occasion de manifester ses espoirs, de dire ce à quoi l’on tient, une injonction à prendre du recul, à faire table rase de ce qu’on connaît ; fabuler la fin du monde pour créer un espace favorable à l’exercice de penser le futur. 

S’inspirant de l’Apocalypse de St-Jean, et de son côté résolument sci-fi, ce projet se déploie en quatre épisodes proposant chacun de sonder notre rapport au monde et à sa disparition, à notre disparition individuelle et collective, mais surtout de fuir à toutes jambes le fatalisme.

L’APOCALYPSE – EPISODE 1 – LE DEBUT DE LA FIN. Une pièce en 4 épisodes de et avec Louis Bonard. Arsenic, Lausanne, le 25 janvier 2022. ©Dorothée Thébert Filliger

Mon Apocalypse se base sur celle de St-Jean. Sans en garder de messages religieux, les épisodes font référence à la colonne vertébrale de chacune des parties du texte de Jean. On pourrait diviser le livre biblique ainsi : 

· 1ère partie : 7 lettres adressées à 7 communautés où l’on peut lire – comme en guise d’introduction – un constat acerbe et menaçant sur le monde, et sur ses courants de pensée. 

· 2ème partie : un agneau égorgé ouvre un livre scellé de 7 sceaux. À l’ouverture de chacun des sceaux, des catastrophes se déclenchent (cavaliers de l’Apocalypse, fléaux). Jusqu’aux 7 ème sceau, qui déclenche un silence d’une demi-heure, et fait apparaître 7 anges qui jouent les 7 trompettes de l’Apocalypse, chacune déclenchante une série de fléaux. 

· 3ème partie : Satan essaie de faire régner son esprit Malin sur le monde.

· 4ème et dernière partie : après un combat cosmique entre les grandes forces du Bien et du Mal, le Bien finisse par s’imposer et vaincre, à jamais, le Mal. La Jérusalem céleste, ville parfaite, descend du ciel pour remplacer tous les royaumes terrestres. C’est l’utopie par excellence. Le dénouement de l’Apocalypse est un happy ending  ! La série de catastrophes déclenchées, même si elle dévaste la terre et fait d’innombrables morts, permet l’avènement d’une Cité nouvelle, d’un nouveau monde, d’une société idéale. En effet, l’apocalypse, littéralement « ce qui est dévoilé, dé-caché », c’est avant tout une « révélation » : celle d’un destin en partie terrifiant, mais qui promet une fin radieuse, complètement parfaite. 

Sans vouloir un seul instant jouer au prophète, ni à l’oiseau de mauvais augure, je souhaite proposer à travers ces quatre pièces un espace de réflexion, et de projection. Un espace qui, par la fable, réveille le sens critique ; qui, par la fiction, propose un pas de côté pour mieux regarder le présent. Car le présent, dit Agamben dans Qu’est-ce que le contemporain ? est, comme un soleil, trop aveuglant pour pouvoir le regarder en face. Faire avec le public ce pas de côté nécessaire, pour permettre de s’échapper – au moins un moment – du piège de ne pouvoir penser le futur, par peur ou par fatalisme, par cynisme ou par manque de courage, et offrir à chacun la possibilité de penser à sa propre, à son intime révélation. 

Louis Bonard

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