« Cécile » de Marion Duval, un spectacle jubilatoire et une vie sous le signe de l’excès

13 juillet 2023

Cécile, spectacle coproduit par le Théâtre Saint-Gervais fait partie de la sélection suisse en Avignon.

L’article des Inrocks du 13 Juillet 2023

« Une performeuse hors norme doublée d’une metteuse en scène à découvrir d’urgence : “Cécile” de Marion Duval, un coup de cœur absolu.

Cécile, sa vie, ses frasques, ses engagements. Et au bout du compte, son œuvre, balancée sur un plateau et rejouée avec alacrité, en compagnie de quelques intertitres, en guise de réveils-mémoire, et autres accessoires : une maquette de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ou des poupées à taille humaine en tissu, façon poupées gonflables, et des masques de marionnettes géantes sous lesquelles se meuvent ses comparses, de temps à autre, quand la situation l’exige. La joie de la découverte ici est double : celle de Marion Duval, jeune metteuse en scène helvète sévissant depuis 2011 avec sa compagnie Chris Cadillac, et celle de Cécile Laporte, performeuse du spectacle, qui rejoue des chapitres de sa vie au plus près du public. Au plus près surtout de sa nature, enjouée, fantasque, généreuse, déconnante, prompte aux excès de toute nature.

Se prendre au jeu d’une rencontre

On est tiraillée, à l’heure d’écrire sur ce moment de bravoure exquis, entre l’envie de raconter et celle de laisser au public le plaisir infini de découvrir ce personnage se livrant elle-même. Elle sait si bien le faire. Cela dit, la feuille de salle distribuée à l’entrée glisse bien quelques indices sur le passé de Cécile. Alors disons que trois heures durant, qui passent comme dans un rêve, Cécile partage avec nous des souvenirs de sa vie agencée en chapitres : animatrice de colonie de vacances pour handicapés, zadiste, activiste écolo-porno au sein de Fuck for Forest, clown à l’hôpital ou en Mongolie, guérisseuse au Mexique. Entre autres… Avec un dénominateur commun à toutes ses aventures : son irrépressible désir de rencontre avec l’autre et, de préférence, ceux et celles qui souffrent, ceux et celles qui luttent et refusent la cruauté de la vie, le rouleau compresseur du réel sur nos rêves, nos utopies et nos engagements. Un goût de la rencontre qui, bien évidemment, ne laisse pas le public à distance, confortablement installé derrière le quatrième mur. Pour Marion Duval, il ne s’agit pas d’une “interaction formalisée, comme un jeu, mais plutôt d’un mode d’adresse poreux. La construction et le spectacle sont là pour permettre la rencontre et le trouble de vivre quelque chose d’imprévu, d’imprévisible”.

Cécile n’hésite pas à s’affranchir des règles du jeu, à renâcler devant l’exercice quand ça la gonfle ou la fatigue. Elle n’a pas peur, du haut des gradins, de se jeter dans les bras du public, comptant sur nous pour la porter, de rang en rang, jusqu’à ce qu’elle retrouve le sol. Cécile nous fait confiance. C’est fondamental. Cécile interagit en permanence avec nous, consciente de l’équilibrisme d’un spectacle reposant sur l’authenticité de son vécu et l’évidente reconstruction qui s’opère à travers le mécanisme de la mémoire convoquée. Un support double-face, qui trouve son équivalent dans la scénographie, le plateau étant scindé en deux par un écran sur lequel s’affichent les titres des chapitres ou des photos de Cécile. Lorsqu’il se lève, surgit l’espace de la performance, “celui du reenactment, où on la voit jouer à sa vie”. C’est ce décalage qui fait toute la force de ce spectacle hautement jubilatoire.

Cécile, performance de Cécile Laporte, mise en scène de Marion Duval, Cie Chris Cadillac. Jusqu’au 18 juillet à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, dans le cadre du programme Sélection suisse en Avignon.

 

© Mathilda Olmi

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