Zone

De la ZONE, des voix s’élèvent. Elles disent l’Adolescence dans toute sa beauté, ses secrets et sa violence.

Dans Requiem des innocents, Louis Calaferte raconte la banlieue lyonnaise d’après-guerre. Il débride sa plume explosive pour raconter sans filtre une jeunesse en prise avec l’urbanité, la misère et la brutalité. Sublimé par la beauté de son style, ce récit remuant témoigne du pouvoir des mots pour tordre le cou au déterminisme social. Après cette immersion dans la férocité des réalités terriennes, nous glissons dans le monde halluciné de Tarjei Vesaas. Ses récits elliptiques s’ancrent dans des univers sensoriels hautement telluriques où dominent le fantasmatique et l’implicite. La nature y est un démiurge qui vient tourmenter des êtres à la parole rare, mais aux corps pulsionnels. Si loin, si proches, le Français et le Norvégien n’ont rien à voir sauf… l’essentiel: tout ce qui ne se dit pas.

L’adaptation iconoclaste de Laure Hirsig puise dans l’oeuvre de deux auteurs pour imaginer un spectacle atmosphérique, une cité des enfants perdus, un espace transparent mais clôt; une sorte de piège qui masque ses murs pour que l’on s’y cogne.

Cinq créatures habitent ce terrain miné. Cinq interprètes incarnant tour à tour des personnages ou des présences «climatiques» mettant leurs corps en tension avec le paysage sonore, la lumière et l’espace. Ici, la chair précède les mots. Les corps adolescents ne se taisent jamais. Ils «parlent» silencieusement, malgré eux. Mutants, fiévreux, sensuels et maladroits à la fois, ils balancent entre inhibition extrême et désir d’exhibition. Et si se perdre dans les marécages de l’inconscient ou céder au vertige d’un érotisme tacite aspire parfois en zone trouble, accordons à l’instabilité adolescente quelques vertus émancipatrices et subversives. L’insolence des «innocents» est la seule réponse possible à la cruauté des adultes. Dans la ZONE, la sauvagerie de la psyché est un bâton de dynamite prêt pour la grande déflagration.